Préambule : il est bien entendu ici que le terme de France est un abus de langage. En effet, sur la période qui nous occupe, le royaume de France est soit en cours de formation soit en est à ses débuts. Les frontières sont extrêmement fluctuantes en raison du morcellement de l’empire carolingien et, plus tard, de la position en tenaille entre l’Angleterre et le Saint-Empire romain germanique.

Alors que le haut Moyen Âge déroule ses siècles, ses croisades, sa chevalerie et son amour courtois, alors que l’Empire romain d’Occident a fini de chuter depuis longtemps, que le royaume de France n’existe pas encore et que les Carolingiens s’installent sur le trône avec Pépin le Bref en ouverture du bal, la monnaie connaît des bouleversements importants.

Les Carolingiens, grâce aux capitulaires de Vernon en 755 et de Francfort en 794, réglementent celle-ci et s’octroient l'exclusivité de la frappe. Un peu plus tard, en 864, c’est Charles le Chauve qui lance le type qui va inspirer de nombreuses monnaies avec le monogramme carolin à l’avers et l’incontournable croix pattée au revers.

Pépin dans l’atelier : de la naissance des frappes féodales

Alors que le pouvoir politique royal s’affaiblit cependant peu à peu, au cours du Xème siècle, chaque duché, comté, seigneurie voire évêché se met à émettre sa propre monnaie.

Lorsque Hugues Capet devient roi en 987, il lui est difficile de faire respecter l’exclusivité de frappe au sein même du domaine royal. 

Pour le dire autrement et bien plus prosaïquement, on est loin de la frappe royale universelle et c’est la pagaille dans les ateliers.

Commence alors une lutte de longue haleine entre la monnaie royale et les frappes provinciales.

Ce n’est qu’au début du XIIIème siècle, sous l’impulsion de Philippe-Auguste, puis de ses successeurs, que la monnaie royale commence petit à petit à reprendre ses droits au détriment des frappes seigneuriales. 

Métal & Type

Dans les premiers temps, ces monnaies féodales ou seigneuriales (aussi appelées provinciales) s’affranchissent très peu du type carolingien, souvent copies plus ou moins dévoyées.

Puis, peu à peu, ces monnaies changent et deviennent plus “originales”. On personnalise et on y va, qui de son blason, qui de son portrait…

Rappelons également que seul l’argent a cours depuis la fin du VIIIème siècle, sur la base du système établi par Charlemagne :  livres, sous, et deniers. L’or ne refera son apparition que sous Saint-Louis. Bien heureusement pour le commerce ! Ce système de valeur basé sur le poids de l’argent tient bon et facilite les échanges.

Méthodologie

Même s’il serait bien compliqué de présenter un carte complète en raison de la grandeur de la période historique couverte et de frontières mouvantes, voici une tentative, avec des monnaies de plusieurs époques, de vous donner un aperçu tout géographique et non exhaustif de ces monnaies féodales et seigneuriales. 

Comme base de travail, pour la vue d’ensemble, nous prendrons une carte de 1180 (les monnaies présentées pouvant être d’une période différente), juste avant que Philippe-Auguste ne devienne roi. Nous détaillerons sous cette carte chaque monnaie présentée.

Il y manque certains comtés (Foix, Narbonne…), vicomtés, de nombreux archevêchés, etc, mais nous avons tâché d’y afficher les principaux.

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Liste des seigneuries

Cette monnaie fut émise par Jean IV de Bretagne qui fut duc de 1365 à 1399, allié de l’Angleterre, et notamment du Prince Noir en pleine guerre de Cent Ans.

Duché de Normandie 

Le duché de Normandie fut un état féodal qui naquit suite à l’invasion viking. En 911, le roi franc Charles le Simple confia le territoire à Rollon, un des chefs vikings. C’est Louis XI qui dissolut le duché en 1469.

Cette monnaie fut émise par Richard Ier de Normandie, dit Richard Sans-Peur, petit-fils de Rollon, qui fut duc de 943 à 996.

Comté du Maine

Le comté du Maine naquit au IXème siècle. Il fut annexé au domaine royal par Philippe-Auguste en 1204. Après cela, le comté du Maine fut traditionnellement attribué au fils cadet du roi.

Ce denier en argent fut émis par Herbert Ier “Éveille-Chien”, comte de 1015 à 1032.

Comté d’Anjou

Le comté d’Anjou commence à faire parler de lui au Xème siècle, alors que le royaume carolingien n’est plus, sur les ruines de la Francie occidentale. Philippe Auguste le récupèrera en 1204 et en fera son vassal. Il devient ensuite duché au début de la Guerre de Cent Ans.

Ici une obole émise par Charles de Valois, fondateur de la dynastie du même nom, roi d’Aragon, et qui acquit le comté d’Anjou en 1290 grâce à son mariage avec Marguerite d’Anjou.

Comté de Tours

Le comté de Tours naît au IXème siècle sous le règne du carolingien Louis Ier le Pieux. En 1044, il est placé sous la tutelle du Comté d’Anjou. En 1204, il est récupéré par Philippe Auguste.

Ici un denier argent émis par l’abbaye de Saint-Martin de Tours qui frappe monnaie depuis le Xème siècle.

Duché d’Aquitaine

Sa première constitution date de 675 à la mort de Childéric II. Il fut rebaptisé Duché de Guyenne en 1259. Le duché se trouva pris en tenaille entre l’Angleterre et la France avant et pendant la Guerre de Cent Ans. C’est à la fin de celle-ci, en 1453, qu’il est annexé au domaine royal.

Ce hardi en argent fut émis par le duc et - accessoirement (!) - roi d'Angleterre Henry IV, V ou VI au cours de la première partie du XVème siècle.

Comté de la Marche

Le comté de la Marche fut un des fiefs du duché d’Aquitaine. Le domaine royal en fit l’acquisition en 1525. Ce denier en argent fut émis par Hugues IX de Lusignan, dit “le Brun”. Allié des anglais, il fut comte de la Marche de 1199 à 1219 grâce au bon vouloir de Richard Coeur de Lion.

Comté de Poitou

Créé en 778 par Charlemagne, le comté est également un des fiefs du duché d’Aquitaine. Il est récupéré en 1202 par Philippe Auguste et annexé au domaine royal, mais pas de manière définitive. Il passe de mains en mains au fil des siècles pour finalement revenir au domaine royal en 1422 lorsque son dernier comte devient le roi Charles VII. 

Cette obole en argent fut frappée par l’atelier de Melle, actif du IXème au XIIème siècle. Les types sont toujours relatifs au défunt roi carolingien Charles II le Chauve, quelle que soit l’époque. 

Comté de Toulouse

Tout comme celui de Poitou, il est fondé par Charlemagne en 778. Il revient dans le giron du domaine royal en 1361 grâce au roi Jean II le Bon. Ce denier en argent fut émis par le comte de Toulouse Alphonse Jourdain, au début du XIIème siècle.

Comté de Provence

En 843, le Comté de Provence appartient à la Francie de Lothaire Ier. En 1487, il revient à la France et le roi devient Comte de Provence.

Sur ce denier, Charles Ier d'Anjou, comte de Provence par alliance grâce à son mariage en 1246 avec Béatrice de Provence. Il est également, entre autres, roi de Naples et de Sicile et - accessoirement - frère du roi Louis IX, excusez du peu ! 

Evêché de Clermont (Comté d’Auvergne)

Sur les terres du comté d’Auvergne se tient notamment en 1095 le concile de Clermont organisé par le pape Urbain II. Ici un très beau denier frappé par l’évêché, datant du tout début du XIème siècle.

Duché de Bourgogne

Le duché de Bourgogne naît au Xème siècle sur les ruines de l’empire carolingien et va, pendant quelques siècles, être extrêmement puissant. Ce n’est qu’à la fin du XVème siècle que Louis XI le joint au domaine royal.

Ce denier en argent a été émis par Hugues IV, duc de Bourgogne de 1218 à 1272. Il a notamment accompagné Saint-Louis pour la septième croisade.

Comté de Nevers

Né au Xème siècle, le comté n’a que relativement peu d’indépendance au cours du temps et est récupéré par le duché de Bourgogne au XIVème siècle. Au XVIème, il devient duché. Ce denier en argent fut émis par Mahaut II, comtesse de 1257 à 1262. 

Comté de Blois

Très ancien, le comté de Blois aurait été créé par les francs autour du VIème siècle. C’est Louis le Pieux, en 832, qui “officialise” le statut de comte de Blois. Intégré au duché d’Orléans à la fin du XIVème siècle, c’est à la fin du XVème, sous Louis XII, qu’il est rattaché au domaine royal.

Cette obole du blésois en billon fut émise sous le comte Hugues de Châtillon.

Comté du Périgord

Pas de monnayage comtal ici, celui-ci étant plus tardif, avec ce denier argent du Xème siècle frappé au nom du roi des francs Louis IV, dit “d’Outremer”.

Evêché de Maguelonne  (Comté de Melgueil)

Situé sur les terres du Comté de Maguelonne (ou Maguelone), puis sur le comté de Melgueil. En effet, l’île côtière de Maguelonne ayant été détruite par Charles Martel en 737, comtes et évêques se réfugièrent à Substantion, puis à Melgueil. En 1085, le comté et l’évêché furent cédés par Pierre Ier de Melgueil, en tant que fief, au pape Urbain II.

Vicomté du Béarn

La vicomté naît au Xème siècle suite au morcellement du duché de Gascogne et restera autonome jusqu’en 1290. Le dernier comte étant mort sans descendance masculine et sa fille ayant épousé le comte de Foix, Gaston III dit Fébus, la vicomté passe alors sous son contrôle.

Le denier en argent présenté ci-dessous a été émis par la dynastie des Centulle.

Traduction depuis le français : Michael Wright

Cartographie : 
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Map_France_1180-fr.svg 

Armoiries du duché de Bretagne :
Duché de Bretagne - Sodacan, Glasshouse and Heralder — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=83572090

Sources :

• https://books.google.fr/books?id=C7EOAAAAQAAJ&pg=PR3&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=3
• https://www.persee.fr/doc/minf_0398-3609_1909_num_38_1_1132 
• https://cours-de-droit.net/organisation-seigneurie/ 
• https://www.sacra-moneta.com/sacramon/monnaies-medievales.html 
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Numismatique_m%C3%A9di%C3%A9vale
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugues_Capet 
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_II_Auguste 
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_carolingien 
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Haut_Moyen_%C3%82ge 
• https://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_France 
• http://graphikdesigns.free.fr/bearn-histoire-moyen-age.html